Le nouveau numéro de la Revue d'histoire des sciences humaines (n° 28) est sorti. Le dossier porte donc sur « Les sciences du psychisme et l'animal » et réunit six textes, outre l'introduction d'Aude Fauvel. Trois articles en varia également, parmi lesquels un très beau travail de Dylan Simon sur les «complexes pathogènes» de Max Sorre, et une étude au long cours de Serge Reubi sur les particularités sociales de l'ethnographie suisse du premier XXe siècle. À noter egalement un examen méticuleux par Arnauld Chandivert de la position de Daniel Faucher entre résistance et notabilité universitaire sous le gouvernement de Vichy (entre autres figures traitées dans son article). Je reproduis ci-dessous l'argumentaire du dossier et le sommaire du volume. Si vous êtes intéressé-e-s par ce numéro (et les autres), n'hésitez pas à vous abonner à la revue !
Présentation du dossier (Aude Fauvel)
Psychiatres testant des produits toxiques sur des chiens, psychologues bombardant des chèvres « psychonévrosées », psychothérapeutes arrachant des bébés singes à leurs mères pour les observer…, au titre de l'histoire animale les disciplines psys semblent se situer sur une ligne classique : celle d'une vision utilitaire des animaux, exploités et sacrifiés sur l’autel de la science. Selon certains chercheurs, si les savoirs psys ont, depuis Darwin, souligné les similitudes entre l’esprit humain et animal, ils n’auraient ainsi pourtant pas aidé à réduire l’écart entre l’un et l’autre. Dans l’histoire des sciences du psychisme, comme ailleurs, étudier les animaux ce serait être essentiellement confronté au récit de leurs souffrances.
Ce numéro porte un regard différent sur ce lien entre animaux et sciences du psychisme et montre que les secondes ne se sont pas seulement construites contre les bêtes mais aussi en collaboration avec elles, dans des rapports d’influences mutuelles, au dedans et au dehors des laboratoires. À côté des cobayes d’expériences, les psys ont fait surgir d’autres figures de l’animalité, percevant les animaux comme des partenaires, des patients, et même, comme des thérapeutes. En revisitant l’histoire psy sous cet angle, l’objectif n’est pas seulement de contribuer au renouvellement du regard sur l’histoire animale, il est aussi de participer à la réflexion sur la façon dont penser avec les animaux peut aider à penser les sciences de l’homme.
Sommaire
Introduction. Des rats, des chiens et des psys. Repenser l'interaction humain/animal dans l'histoire des sciences du psychisme (XIXe-XXIe siècles)
Animaux à aimer, animaux à tuer. Animalité et sentiments zoophiles en France au XIXe siècle
Débats autour de la psychologie animale. La rencontre Pierre Hachet-Souplet – Édouard Claparède
Des relations déraisonnables ? Marie Bonaparte, son chien Topsy, la biologie et la psychanalyse
Quand l'éthologie revisite la psychanalyse. La question de l'attachement entre Grande-Bretagne et France
Soigner par le contact animalier. Aux origines de la recherche sur les interactions humains/animaux à but thérapeutique
Document
Lettre de Joseph Delboeuf à William James du 2 novembre 1886
Comment un savant devient « guérisseur ». D'après une lettre inédite de Joseph Delboeuf à William James
Varia
Une histoire à part ? L'étude des traditions mineures en histoire des sciences humaines à travers l'ethnographie suisse du premier XXe siècle
Sciences sociales, Résistance et « mystique provinciale » à Toulouse sous le gouvernement de Vichy. Complexité et ambivalence des engagements (1930-1950)
Quand un concept écologique fait date. L’invention des « complexes pathogènes » en géographie
Notes de lecture
* Anthony Andurand, Le mythe grec allemand. Histoire d’une affinité élective (Sandrine Maufroy)
* Claude Blanckaert (coord.), La Vénus hottentote entre Barnum et Muséum (Jean-Luc Chappey)
* Daniel Baric, Langue allemande, identité croate. Au fondement d’un particularisme culturel (Anne-Marie Thiesse)
* L’enseignement secondaire en France et l’articulation complexe entre disciplines littéraires et scientifiques (1945-1985) (Emanuel Bertrand)