Etrange tâche que de transformer un texte déjà écrit en livre. Je suis en plein dans la réécriture du Plain-pied du monde avant sa publication dans la collections Histoire des sciences humaines (HSH) de Claude Blanckaert à L'Harmattan. Après réception de la charte de la collection, je l'ai appliquée à mon texte, qui a "gonflé" de 400 à 600 pages (c'était en décembre dernier). A partir de janvier, j'ai été mobilisé par des activités diverses et c'est seulement maintenant que je me mets véritablement au travail de refonte.
Il n'a jamais été question pour moi de refaire un manuscrit en fonction des évolutions de mon travail depuis 2003, parce que cela déboucherait sur un tout autre texte. En revanche, il faut que je redescende à 400 pages (maxi). Le changement du système de références aide pas mal et dégonfle mon appareil de notes infrapaginales. J'ai réussi aussi à taillader dans les détails. Exit les quelques analyses sur Vidal de la Blache que je m'étais senti obligé de faire. Le chapitre sur de Martonne, déjà publié, n'y sera pas non plus. Pour l'instant, j'en suis à 510. J'ai bon espoir de rentrer dans les clous. Sur une journée de 10 heures, j'arrive à traiter 2/3 de chapitre - et il y en aura 7. Il me reste environ 10 grosses journées de travail, avant de soumettre le résultat à mes deux lectrices préférées, puis à Claude. J'aimerais finir d'ici à la seconde moitié de mai. Y arriverai-je ?
L'introduction a été reprise maintes fois, car c'est d'elle dont bien des lecteurs se sont plaints le plus. Etrange quand on y pense : elle avait été rédigée en deux jours, avec une facilité déconcertante. Sur le moment, je l'avais trouvée très abordable. Plus j'y retourne et plus je réaménage. Il faudra bien arrêter un jour. La conversion en références américaines prend un temps phénoménal, surtout qu'il faut sans cesse naviguer entre la bibliographie et le corps du texte. En outre le genre (Orain, 2003b : 24) est très laid. Mais quel gain de place ! Et cela renforce la cohérence de la biblio.
Je sais qu'en abordant le chapitre 3 (anciennement 4), "D'une géographie à l'autre : un détour par Thomas Kuhn", il va y avoir de grosses saignées. C'est celui qui stratifie le plus grand nombre de couches d'écriture. C'est sans doute le coeur de tout ce que j'ai fait, mais c'est aussi un amas de bricoles hétéroclites. Je tiens énormément à ce travail, car il est la clé de voute de l'ensemble. Mais à la limite, il pourrait générer un autre livre, donc il va falloir faire attention, couper et ne pas rajouter. Si j'étais courageux, il faudrait aussi que je fabrique un nouveau chapitre avec les deux suivants. Cela voudrait dire trancher dans les analyses littéraires. Or, précisement, cette publication a du sens surtout en tant qu'elle exprime une certaine façon de travailler le corpus géographique.
Je n'ai donc pas trop envie de sabrer cela. Si j'écrivais un ouvrage sur le même sujet maintenant, il aurait sans doute un peu moins cette dimension poéticienne qu'avait ma thèse de 2003. Pour cette raison, j'ai spécialement envie de conserver celle-là. Sur le sujet des régimes (ou styles) épistémologiques, il y aurait tant à redire, à revoir. Les interprétations de textes, elles, ont leur autonomie. D'ailleurs, je m'étais rendu compte d'une chose quand j'essayais de relire des bouts de ma thèse : elle est incompréhensible si on ne fait pas l'effort de lire tous les passages cités, car ils sont plus que des pièces à conviction, ils ont une fonction motrice. Et ils donnent à voir de la géographie française des choses que je ne fais pas l'effort de reprendre. Le commentaire ne saurait être à mes yeux réitération du dit (ou de l'écrit). Par voie de conséquence, bien des choses que je formule supposent d'avoir lu ces extraits. Ce n'était pas délibéré en écrivant l'original, mais c'est devenu une contrainte de lecture forte, en un certain sens gênante.
J'essaie d'enlever les coquetteries et les obscurités du texte soutenu. Ces corrections nécessaires me donnent du courage pour dézinguer les commentaires infrapaginaux. Comme tant de choses deviennent superflues ! Pour ce qui est des phrases byzantines, c'est un plaisir de les casser en 2, 3 ou 4. En temps utile, je reprendrai les observations de Paule Petitier pour porter le coup de grâce à mon caquet.
Autant l'introduction, avec sa structure spiralaire, demeure un cauchemar à relire, autant la suite est comme une sorte de flot dans lequel je me laisse glisser, arrachant aux passages des branches mortes et colmatant des diverticules. Qui, en se relisant, n'a pas retrouvé cette expérience enfantine qui consiste à répéter tant de fois un mot trivial qu'il en devient hermétique ? Pareil avec tous ces paragraphes : ils ont un air de famille, c'est sûr, mais pour peu qu'on n'y prenne garde, on glisse dessus comme sur de la toile cirée.
Je veux un texte aussi lisible que possible. Je n'ai jamais cherché de près ou de loin à "faire compliqué", jamais. Je déteste cette réputation d'écrivant difficile. Je pense que je ne fournirai jamais un produit très immédiat, sans lourdeurs ni moments pénibles. Mais comment faire autrement quand on s'efforce de jouer franc-jeu ? Bien sûr, Thomas Kuhn et Howard Becker sont des exemples, aussi. Mais ce qu'ils font relèvent assez largement de la description épaisse, laquelle n'est pas toujours possible, surtout quand on commente la production d'autrui. Et qui peut prétendre avoir accès à une intelligibilité complète d'un livre comme Outsiders sans un processus d'interprétation a posteriori ? Les textes les plus clairs, les plus limpides en apparence, recèlent toujours des pièges, alors qu'un Pierre Bourdieu, difficile il paraît, me semble infiniment plus immédiat à saisir que Becker ou Goffmann. Le métadiscours alourdit les sciences sociales, les rend techniques, mais il offre un autre régime de clarté, sur le fond de l'argumentaire.
Je ne prétends pas me comparer à ces éminents messieurs. J'avais juste besoin d'exemples partageables. De toutes façons, je reviendrai sur cette question de la clarté, car elle me semble essentielle et pas du tout univoque, comme certains voudraient bien le laisser croire.
Il n'a jamais été question pour moi de refaire un manuscrit en fonction des évolutions de mon travail depuis 2003, parce que cela déboucherait sur un tout autre texte. En revanche, il faut que je redescende à 400 pages (maxi). Le changement du système de références aide pas mal et dégonfle mon appareil de notes infrapaginales. J'ai réussi aussi à taillader dans les détails. Exit les quelques analyses sur Vidal de la Blache que je m'étais senti obligé de faire. Le chapitre sur de Martonne, déjà publié, n'y sera pas non plus. Pour l'instant, j'en suis à 510. J'ai bon espoir de rentrer dans les clous. Sur une journée de 10 heures, j'arrive à traiter 2/3 de chapitre - et il y en aura 7. Il me reste environ 10 grosses journées de travail, avant de soumettre le résultat à mes deux lectrices préférées, puis à Claude. J'aimerais finir d'ici à la seconde moitié de mai. Y arriverai-je ?
L'introduction a été reprise maintes fois, car c'est d'elle dont bien des lecteurs se sont plaints le plus. Etrange quand on y pense : elle avait été rédigée en deux jours, avec une facilité déconcertante. Sur le moment, je l'avais trouvée très abordable. Plus j'y retourne et plus je réaménage. Il faudra bien arrêter un jour. La conversion en références américaines prend un temps phénoménal, surtout qu'il faut sans cesse naviguer entre la bibliographie et le corps du texte. En outre le genre (Orain, 2003b : 24) est très laid. Mais quel gain de place ! Et cela renforce la cohérence de la biblio.
Je sais qu'en abordant le chapitre 3 (anciennement 4), "D'une géographie à l'autre : un détour par Thomas Kuhn", il va y avoir de grosses saignées. C'est celui qui stratifie le plus grand nombre de couches d'écriture. C'est sans doute le coeur de tout ce que j'ai fait, mais c'est aussi un amas de bricoles hétéroclites. Je tiens énormément à ce travail, car il est la clé de voute de l'ensemble. Mais à la limite, il pourrait générer un autre livre, donc il va falloir faire attention, couper et ne pas rajouter. Si j'étais courageux, il faudrait aussi que je fabrique un nouveau chapitre avec les deux suivants. Cela voudrait dire trancher dans les analyses littéraires. Or, précisement, cette publication a du sens surtout en tant qu'elle exprime une certaine façon de travailler le corpus géographique.
Je n'ai donc pas trop envie de sabrer cela. Si j'écrivais un ouvrage sur le même sujet maintenant, il aurait sans doute un peu moins cette dimension poéticienne qu'avait ma thèse de 2003. Pour cette raison, j'ai spécialement envie de conserver celle-là. Sur le sujet des régimes (ou styles) épistémologiques, il y aurait tant à redire, à revoir. Les interprétations de textes, elles, ont leur autonomie. D'ailleurs, je m'étais rendu compte d'une chose quand j'essayais de relire des bouts de ma thèse : elle est incompréhensible si on ne fait pas l'effort de lire tous les passages cités, car ils sont plus que des pièces à conviction, ils ont une fonction motrice. Et ils donnent à voir de la géographie française des choses que je ne fais pas l'effort de reprendre. Le commentaire ne saurait être à mes yeux réitération du dit (ou de l'écrit). Par voie de conséquence, bien des choses que je formule supposent d'avoir lu ces extraits. Ce n'était pas délibéré en écrivant l'original, mais c'est devenu une contrainte de lecture forte, en un certain sens gênante.
J'essaie d'enlever les coquetteries et les obscurités du texte soutenu. Ces corrections nécessaires me donnent du courage pour dézinguer les commentaires infrapaginaux. Comme tant de choses deviennent superflues ! Pour ce qui est des phrases byzantines, c'est un plaisir de les casser en 2, 3 ou 4. En temps utile, je reprendrai les observations de Paule Petitier pour porter le coup de grâce à mon caquet.
Autant l'introduction, avec sa structure spiralaire, demeure un cauchemar à relire, autant la suite est comme une sorte de flot dans lequel je me laisse glisser, arrachant aux passages des branches mortes et colmatant des diverticules. Qui, en se relisant, n'a pas retrouvé cette expérience enfantine qui consiste à répéter tant de fois un mot trivial qu'il en devient hermétique ? Pareil avec tous ces paragraphes : ils ont un air de famille, c'est sûr, mais pour peu qu'on n'y prenne garde, on glisse dessus comme sur de la toile cirée.
Je veux un texte aussi lisible que possible. Je n'ai jamais cherché de près ou de loin à "faire compliqué", jamais. Je déteste cette réputation d'écrivant difficile. Je pense que je ne fournirai jamais un produit très immédiat, sans lourdeurs ni moments pénibles. Mais comment faire autrement quand on s'efforce de jouer franc-jeu ? Bien sûr, Thomas Kuhn et Howard Becker sont des exemples, aussi. Mais ce qu'ils font relèvent assez largement de la description épaisse, laquelle n'est pas toujours possible, surtout quand on commente la production d'autrui. Et qui peut prétendre avoir accès à une intelligibilité complète d'un livre comme Outsiders sans un processus d'interprétation a posteriori ? Les textes les plus clairs, les plus limpides en apparence, recèlent toujours des pièges, alors qu'un Pierre Bourdieu, difficile il paraît, me semble infiniment plus immédiat à saisir que Becker ou Goffmann. Le métadiscours alourdit les sciences sociales, les rend techniques, mais il offre un autre régime de clarté, sur le fond de l'argumentaire.
Je ne prétends pas me comparer à ces éminents messieurs. J'avais juste besoin d'exemples partageables. De toutes façons, je reviendrai sur cette question de la clarté, car elle me semble essentielle et pas du tout univoque, comme certains voudraient bien le laisser croire.