Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

La Russie au CAPES et à l'agrégation

Cela fait 15 ans que j'attendais ça. C'est fait ! La Russie est au programme de l'agrégation de géographie et au CAPES pour deux ans, et pour un an à l'agrégation d'histoire. Le russophone, russologue et russophile (désenchanté) que je suis ne peut que se réjouir qu'ait enfin cessé un ostracisme qui était toujours justifié par les "turbulences" dans lesquelles était plongé le pays. Drôle de justification. J'espère surtout qu'à l'issue de ces deux ans les enseignants du secondaire daigneront se remettre à enseigner la géographie des pays issus de l'ex-URSS. Il ne s'agit pas seulement de faire passer une culture, il s'agit aussi d'exposer une configuration géographique exceptionnelle : un énorme pays a été démembré sans que cela dégénère en guerres massives (même si ce qui s'est passé en Tchétchénie, en Transcaucasie et au Tadjikistan n'est pas plus réjouissant que les guerres civiles post-yougoslaves) ; étudier les répercussions spatiales et territoriales de cette implosion est un cas d'école absolumment magnifique.
Je ne me fais pas d'illusion sur les gains cognitifs à attendre de cette situation. J'ai tendance à penser que l'inscription d'un sujet au programme des concours a tendance, le plus souvent, à renforcer les représentations conformistes et à indurer les stéréotypes. En plus, une petite poignée de plumitifs a pour habitude de publier régulièrement des ouvrages, collectifs ou solitaires, dont le seul objectif est de ramasser la manne financière induite par ces effets d'aubaine répétés. Je voudrais le dire haut et fort aux impétrants qui auront l'occasion de me lire : méfiez-vous de ces auteurs qui publient sur n'importe quoi, et tout particulièrement quand les ouvrages apparaissent dans les 6 à 9 mois qui suivent la publication d'un nouveau sujet. Ne vous laissez pas plumer par des gens sans déontologie qui ont besoin de cash pour se faire construire une piscine !
Je regrette que les décideurs de l'Education nationale n'aient pas associé l'Ukraine et la Belarus à la Russie : cela aurait permis d'utiles comparaisons. Je vais me faire haïr par tous ceux qui se plaignent que les programmes sont trop chargés. Sauf que dans une large mesure, isoler la trajectoire de la seule Russie est problématique. A bien des égards, on pourrait dire qu'elle constitue un système territorial relicte, brusquement fragmenté en 1991-1992 - ce qui a généré des problèmes de cautérisation (économique, sociale, démographique, etc.) qui sont loin d'être réglés 15 ans après. Même si le traitement de 12 ou 15 républiques eût été too much, s'en tenir aux trois nations "slaves" aurait constitué un minimum. Je tiens à préciser que M. Vladimir Poutine n'a pas sponsorisé mon idée et que ce n'est pas une nostalgie pan-russienne qui motive mon avis. Comprendre ce qui s'est passé en Russie n'a d'intérêt que dans la mesure où l'on peut ébaucher des comparaisons, afin d'éviter les analyses dévoyées sur les idiosyncrasies russes. Après tout, ce sont les mêmes élites issues du PCUS (parti communiste de l'Union soviétique) qui se sont redéployées et repositionnées un peu partout à partir de 1989-1990. Ce sont les mêmes alternatives économiques et politiques qui se sont posées dans tous les pays devenus indépendants. La seule différence tient au gigantisme russe et aux prétentions hégémoniques de ses dirigeants, ainsi qu'à leur pouvoir de nuisance : depuis 1992, la Russie soutient la quasi-totalité des irrédentismes et guerres civiles chez ses voisins de l'étranger proche (blijéïé zaroubiéjio), à l'exception des "wahhabismes" (terme que les Russes utilisent pour stigmatiser toute interférence de l'Islam dans un conflit).
Au débotté, mon expérience de 10 ans d'enseignement sur les pays issus de l'ex-URSS m'amènerait à faire quelques diagnostics et recommandations pour ceux, préparateurs ou étudiants, qui vont s'atteler à la question.
1°) Sur ce sujet-là, force est de constater que la littérature géographique est particulièrement réduite. En France, seuls trois géographes émergent, Jean Radvanyï, Roger Brunet et Denis Eckert. J'ai beaucoup d'estime pour leurs travaux, à bien des égards très différents. Jean Radvanyï et Denis Eckert ont fait un gros effort de vulgarisation et proposé les seuls manuels de valeur sur le sujet. Je regrette le caractère à mes yeux trop exhaustiviste et déproblématisé des ouvrages de Jean Radvanyï, même si j'ai une grande admiration pour son effort de documentation et d'érudition. C'est quelqu'un qui maîtrise parfaitement ses dossiers. En revanche, je suis géné par la transparence politique de ce qu'il écrit. Le Géant aux paradoxes (1982) était un ouvrage plutôt pro-soviétique, La Nouvelle Russie (1996) manque d'analyses critiques sur le régime eltsinien. Certains articles, notamment pour Le Monde diplomatique, montraient une plume plus critique. Je regrette que la production de cet auteur ressortisse encore trop à un certain classicisme, politiquement neutre et encyclopédique. La production de Denis Eckert est plus incisive. Je trouve que son manuel dans la collection "Carré géographie" chez Hachette est remarquable. En outre, il a mis à disposition de nombreux textes traduits du russe, ce qui me semble précieux. En général, il fait un gros travail de médiation des travaux de géographes russes vers la France, entreprise qui me semble tout à fait nécessaire. Roger Brunet, quant à lui, a écrit l'essentiel du demi-volume de la Géographie universelle consacré à la Russie et à ses voisins immédiats. Je crois qu'il y a une différence entre le fait de dédier sa carrière de chercheur à la Russie - ce qui implique d'en parler la langue -, et un intérêt plus circonstanciel pour le pays. Roger Brunet est devenu un bon connaisseur de cette région du monde et il a des réflexes que j'admire par rapport à la littérature "russologique". En outre, il a su tenir le cap d'une lecture spatiale des territoires post-soviétiques. Pour autant, même si je recommande vivement la lecture de ses ouvrages sur la Russie, comme il ne s'est pas inséré dans le champ transdisciplinaire des spécialistes du pays, je ne le classerais pas stricto sensu comme tel. Marie-Claude Maurel en revanche a commencé sa carrière comme spécialiste de l'URSS, mais elle a bifurqué après la publication de son maître-livre de 1982, Territoire et stratégies soviétiques. Je regrette qu'une spécialiste de cette valeur soit passée à autre chose, mais il n'est pas de mon ressort de porter une appréciation sur ce qui relève d'un choix personnel. D'autres géographes français ont publié sur la Russie, mais soit ils se sont cantonnés à un abord très segmenté, soit ils ont publié des choses fort dispensables comme le manuel de C. Cabane et E. Tchistiakova. Vladimir Kolossov est bien connu en France, parce qu'il est francophone et a longuement vécu ici. C'est une très grande pointure de la géographie de la Russie et des pays proches, reconnu internationalement.
2°) La faiblesse numérique des géographes travaillant sur la Russie fait contraste avec l'excellence française dans d'autres disciplines, en histoire et en économie politique tout particulièrement. De Marc Ferro à Natacha Laurent, en passant par Wladimir Berelowitch, Lilly Marcou, Jean-Pierre Depretto, Nicolas Werth, Sabine Dullin, Marie-Hélène Mandrillon et bien d'autres, l'historiographie française est l'une des meilleures au monde. Du côté des économistes, Jacques Sapir est pour moi le plus grand spécialiste français de la Russie actuelle, même si je trouve que son crédo anti-libéral le rend parfois par trop aveugle à l'actuelle dérive politique autoritaire. Il n'est pas le seul économiste politique à avoir produit des oeuvres conséquentes. C'est toute une sensibilité qui s'est développée, depuis les travaux fondateurs de Charles Bettelheim sur Les luttes de classes en URSS (1974-1983), lui-même inspiré par Moshe Lewin, Alec Nove et quelques autres. Parmi ces générations d'économistes, marqués par une sensibilité d'ensemble marxiste ou régulationniste, avec un fort historicisme, je pourrais évoquer Ramine Motamed-Nejad, Bernard Chavance, et, pour les plus jeunes, Julien Vercueil. Dans d'autres domaines on trouve d'autres pointures : Alain Blum en démographie, Michel Wieviorka, Alexis Berelowitch, Gilles Favarel-Garrigues et Kathy Rousselet en sociologie, Marie Mendras et Véronique Garros en sciences politiques. Enfin, il y a d'excellents spécialistes de questions transversales ou régionales comme Marlène Laruelle (sur le rapport de la Russie à l'Orient et à l'Islam), Charles Urjewicz (sur le Caucase), Boris Cichlo (la Sibérie), etc.
3°) Une hypothèque pèse lourdement sur toute compréhension présente et passée de la Russie. C'est celle de l'interprétation du communisme. De deux choses l'une : soit l'on considère que le communisme est l'expérience politico-historique qui s'est inventée en URSS entre 1917 et 1944, puis s'est diffusée dans une partie du monde, et auquel cas les "propriétés" de ce communisme sont extrêmement diverses et variables ; soit l'on considère que le communisme est une idéologie, inventée par Marx, développée par Lénine, et mise en pratique en URSS de 1917 à 1991. Dans le premier cas, je n'y vois pas d'objections, sachant que le label a alors une vocation très englobante et a une dimension historique irréductible. Dans le second cas, il y a premièrement un problème de distinction sémantique entre "socialisme" et "communisme" qu'il importe de travailler sérieusement. Ensuite, un ensemble de travaux d'historiens (M. Lewin en étant la figure centrale) a montré qu'il n'y avait jamais eu application d'un programme idéologique pré-déterminé en URSS, mais ajustement opportuniste de lignes idéologiques diverses, au gré des circonstances et en fonction des luttes d'influence au sein des hautes sphères du pouvoir. Il n'y a qu'entre 1934 et 1953 qu'un certain monolithisme idéologique a peu ou prou perduré, durant la période la plus sombre de l'URSS, celle du stalinisme triomphant. Par ailleurs, les économistes ont nettement montré qu'il n'y avait rien de commun entre l'idée de "socialisme" - telle qu'elle existe chez Marx et la plupart des théoriciens du socialisme - et le fonctionnement économique de l'URSS, de 1917 à la Perestroïka. Je ne développerai pas ceci pour l'instant mais ils ont identifié là un capitalisme d'Etat mobilisant l'économie selon un schéma qui rappelle fortement les pratiques des Etats européens durant la première guerre mondiale.
Par voie de conséquence, la thèse développée tant par les thuriféraires de l'URSS que par ses détracteurs, de Richard Pipes et Martin Malia à François Furet et Stéphane Courtois, selon laquelle l'URSS aurait été une expérience d'application d'une idéologie à une nation, ne tient absolument plus la route. La question de l'idéologie soviétique, de son uniformité ou de ses variations, de son statut et de ses modes opératoires, etc., reste posée. Elle est même fondamentale. En revanche, la façon dont les traditions politistes ont fait sur-signifier le caractère soi-disant normatif et donné de l'idéologie est rien d'autre qu'un discours idéologique de plus ! De ce point de vue, le livre de François Furet, Le passé d'une illusion, est un exemple de ce qu'il ne faut pas faire. En plus, Furet était ignare sur l'URSS. Tout à sa réfutation d'une histoire sociale et à la réhabilitation d'une histoire politico-idéologique, il a fait passer l'objet "URSS" par le lit de Procuste de ses combats hexagonaux. Il est temps de démasquer la supercherie de haut vol qu'a été la production de cet idéologue de droite. Autre baudruche qu'il importe de dégonfler : madame l'académicienne Hélène Carrère d'Encausse, qui nous a été présentée comme celle qui avait "prédit" l'éclatement de l'URSS dans son livre éponyme de 1979, L'Empire éclaté. Si nos brillants journalistes étaient allés y voir de plus près, ils se seraient rendu compte que la thèse de madame Carrère d'Encausse consistait à comparer les évolutions démographiques des populations slaves et asiatiques et à prédire que ces dernières deviendraient majoritaires un jour et demanderaient alors leur indépendance. Manque de bol pour cette dame éminente, ce sont les Russes, les Ukrainiens et les Biélorusses qui ont voulu la mort de l'URSS, alors que les habitants des républiques d'Asie centrale demeuraient très attachées au système. Bref, on l'a créditée pour un énorme contresens reposant sur une lecture d'un simplisme éhonté. Je tiens à signaler qu'elle a publié nombre de biographies extrêmement contestables du point de vue historique, notamment son Nicolas II. On a les "spécialistes" qu'on mérite. D'ailleurs, il y aurait aussi beaucoup à redire concernant des personnages comme Alexandre Adler ou Bernard Guetta, qu'on invite es-qualités sur le sujet de la Russie, alors que ce sont au mieux des publicistes et des faiseurs d'opinion.
Par ailleurs, les lectures "idéologiques" butent sur un obstacle explicatif qui devrait les discréditer définitivement : comment expliquer que les nomenklaturistes soviétiques aient été les premiers à retourner massivement leur veste et à se convertir à l'idéologie du marché, parfois dès les années 1980 ? Comment expliquer que les gardiens du temple aient été les premiers à le déserter et par la suite les principaux bénéficiaires des mutations ultérieures ? Si une quelconque idéologie avait gouverné l'action du système de manière rigide et programmatique, celui-ci ne se serait pas effondré si vite. Ou alors il faut faire l'hypothèse ad hoc d'une dénaturation du régime, soit à partir du XXe congrès (1956), soit durant les années de zastoï (stagnation), qui débutent aux alentours de 1974. Je trouve qu'il y aurait là une facilité pour une interprétation qui suppose la rigidité idéologique.
4°) Tout ceci m'amène à insister sur le fait qu'une préparation efficace et pertinente implique une très bonne connaissance de l'évolution de l'URSS, au moins depuis les années 1960, et la lecture d'auteurs non géographes. A ce titre, les indispensables seraient Nicolas Werth (son Histoire de l'Union soviétique aux PUF, au moins les chapitres XI et XII), Alain Blum (Naître, vivre et mourir en URSS, disponible en poche), Jacques Sapir (au minimum L'économie mobilisée et Le Chaos russe, en attendant la nécessaire ré-actualisation de celui-ci), Julien Vercueil (Transition et ouverture de l'économie russe 1992-2002), Marie Mendras (Comment fonctionne la Russie?), sans négliger le déjà daté Les Russes d'en bas de A. Berelowitch et M. Wiewiorka et la synthèse dirigée par Marie-Pierre Rey, Les Russes, de Gorbatchev à Poutine. Je recommanderais aussi en seconde ligne le livre brillantissime d'Anatoliï Vichnievskiï, La Faucille et le rouble, mais il faut être déjà bon connaisseur de l'histoire de la Russie pour en tirer profit.

Ces conseils de lecture, exclusivement universitaires, ne saurait suffire à qui voudrait comprendre ce que la transition signifie dans la vie quotidienne des anciens citoyens d’Union soviétique. D’autres sources, d’autres regards sont dans ce cas fort précieux. Les cinéastes soviétiques ont réalisé des films innombrables sur le quotidien de leur pays. Le chef d’œuvre inégalé du genre est Le syndrome asthénique de Kira Mouratova, film difficile, souvent à la limite du supportable, mais qui dit l’essentiel avec une extraordinaire économie de moyens. Le film de Vitaliï Kanievskiï, Bouge pas, meurs et ressuscite, censé se passer dans les années 1950, nous dit aussi énormément sur la fin des années 1980. Sur un mode plus léger, La petite Véra de Vassili Pitchoul, réalisé aux débuts de la Perestroïka, est une chronique douce-amère sur la jeunesse de l’époque. Depuis quelques années, l’extraordinaire éclosion qui avait accompagné la perestroïka a cédé globalement la place à un cinéma commercial, qui refuse ostensiblement les sujets « sociaux », réputés peu vendeurs. On fera une exception pour les comédies de Iouri Mamine (Délits de fuite, Une fenêtre sur Paris, etc.). Quant aux grands cinéastes censurés de l’époque brejnévienne, ils sont morts (Sergueï Paradjanov, Andreï Tarkovskiï) ou ne tournent plus guère (Alexieï Guerman, Kira Mouratova, voire Konstantin Lopouchanskiï), laissant la place à un cinéma racoleur (Pavel Lounguine) ou à des travaux d'esthètes peu intéressés par les questions sociales (Alexandre Sokourov, Andreï Zviaguintsev). Après quelques années fastes, le cinéma post-soviétique est mal diffusé en France, faute de public. On notera ainsi que certains des derniers opus d’Otar Iosseliani, notamment le très beau Brigands, chapitre VII, ont  été, hélas !, de gros échecs commerciaux en France. Quelques cinéastes surnagent, comme Lidia Bobrova (Dans ce pays-là, Baboussia), Bakhtiar Khoudoïnazarov (Luna Papa, Le Costume), Boris Khlebnikov & Alexeï Popogrebskiï (Koktebel'), Andreï Kravtchouk (L'Italien), etc.

Une autre porte d'entrée intéressante est la littérature. Je ne suis pas de ceux qui voient en elle un moyen de connaissance à proprement parler "géographique". En revanche, je suis convaincu qu'une certaine forme d'immersion culturelle aide à s'approprier un sujet. S'agissant d'un pays qui suscite d'innombrables fantasmes et clichés, lire des écrivains ou des témoignages peut aider à se départir des stéréotypes. Dans la bibliographie, j'ai mis quelques références à des auteurs très contemporains. Je confesse que la littérature russe ultra contemporaine ne me fascine pas des masses : un auteur comme Vladimir Sorokine me semble très surcôté, mais ce n'est pas le seul. A l'issue de la Perestroïka, la littérature russe s'est dévoyée dans une certaine facilité et un goût vendeur pour la provocation. "Faire le russe" pour un public occidental, c'est pathétique. Quelques auteurs me semblent néanmoins valoir le détour : Alexandre Ikonnikov, Ludmila Oulitskaïa, Olga Sédakova, Tatiana Tolstoï.  Il existe aussi de grands témoins, essayistes et pamphlétaires: Svétlana Aléxéiévitch, qui a exploré tous les recoins sombres de l'histoire soviétique, Anna Politovskaïa (récemment assassinée), etc. Je ne suis pas certain de tous les connaître. Il faudrait aussi faire leur place à des écrivains et journalistes français qui connaissent très bien le pays et ont fait des livres bien informé: Anne Nivat (La Maison Haute), Jean-Pierre Thibaudat (Rien ne sera plus jamais calme..., Le goût de Moscou, etc.), Anne Brunswic (Sibérie), Emmanuel Carrère (dont le film Retour à Kotelnitch mérite le détour). Ici, encore, je suis loin de tout connaître. Je pense en revanche qu'il importe de vous mettre en garde contre tout ce qui revêt un aspect sensationnaliste : la Russie est un sujet un peu crapuleux, qui fait vendre comme un sujet de société un peu sordide. Les Russes méritent mieux que cela, car ce n'est pas une nation de semi-clochards alcooliques, racistes et allumés ou de mafieux vulgaires et sans scrupules. Ces espèces "existent" (quoi qu'une analyse sociologique réviserait sérieusement la portée de ces "types" fantasmatiques), mais c'est misère que de réduire un pays et sa population à ces clichés nauséabonds.

La télévision française propose de temps en temps des reportages à sensation sur la situation dans l’ex-URSS (mafia, prostitution, drogue, etc.), qui n'améliorent pas nos représentations sur le pays. Les seuls documentaires vraiment fiables et sérieux sont ceux diffusés par Arte. Il y a quelques années, la série « La vie en face », le mardi soir, avait présenté des reportages extraordinaires sur la Russie, notamment un portrait de quatre femmes vivant à Magadan, dans l’Extrême-Orient russe. Malheureusement, ce type de reportages est chose rare. On pourra trouver de temps en temps un complément radiophonique intéressant sur France-Culture. Demeure aussi la piste du dossier de presse à partir d’un ou plusieurs quotidiens nationaux, tout en sachant le relatif manque d'informations nuancées de la presse française à l’égard des hommes au pouvoir à Moscou. À ce titre, Le Monde diplomatique est sans doute longtemps demeuré le titre le plus libre d’esprit sur le sujet, même s'il périclite actuellement dans des expériences plus idéologiques qu'informatives.
 


Alexieï Guerman : réalisateur, entre autres, de Vingt jours sans guerre et de Mon ami Ivan Lapchine (85). Est sorti sur les écrans français en 1998 son nouvel opus Khroustaliov, ma voiture, film profondément déroutant mais qui mérite le détour. Diffusé sur Arte en février 2001.

Kira Mouratova : réalisatrice de Les longs adieux (65), Brève rencontre (67), Le syndrome asthénique (89), Le milicien sentimental (91).

Otar Iosseliani : réalisateur de Il était une fois un merle chanteur (74) Pastorale (79), Les favoris de la lune, et du récent Adieu, plancher des vaches ! (99)

Konstantin Lopouchanskiï : réalisateur de Lettres d’un homme mort (86) et de Le visiteur du musée (89), disciple de Tarkovskiï.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :