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Penser par écoles, n° 32 de la RHSH

À l'issue d'un concours de circonstances, je me suis retrouvé à diriger avec Jean-Christophe Marcel — et le concours déterminant de l'ami Wolf Feuerhahn — le numéro 32 de la Revue d'histoire des sciences humaines, intitulé « Penser par écoles ». Il est arrivé chez l'éditeur, mais ne paraîtra officiellement que le 12 juillet prochain. Il faut dire qu'il a pris un certain retard.  Le dossier comprend six textes et un entretien avec Jean-Michel Chapoulie, l'auteur du passionnant La Tradition sociologique de Chicago (dont la 2e édition vient de paraître). Les objets des articles sont variés, ces derniers reposent le plus souvent sur une étude de cas, avec une grande variété disciplinaire, même si la sociologie est assez présente. Et pour cause, dans la mesure où les sociologues ont investi assez fortement — mais aussi pas mal décrié — cette façon de délimiter, définir ou contraster des collectifs de recherche. On trouve dans ce volume des contributions d'historiennes (J. Carroy, A. Petit, M.-C. Robic) et de sociologues (M. Hirschhorn, J.-M. Chapoulie) chevronné-e-s, ainsi qu'un texte d'un jeune chercheur, Jean-Baptiste Devaux. À cet égard, le volume contraste pas mal avec le précédent. Je ne résumerai pas ici les différents articles, dont on trouvera les titres ci-dessous (ils sont assez parlants). Je suis particulièrement heureux que le volume comprenne un texte de Marie-Claire Robic sur le label «école française de géographie » et ses multiples variants, non seulement parce que ça lui a donné l'occasion de faire le point sur l'historicité de cette étiquetage, mais aussi parce que, d'une certaine manière, elle a elle-même «fait école » et je suis bien placé pour le savoir. Je suis aussi ravi de l'entretien que nous avons eu avec J.-M. Chapoulie, occasion de donner à cette figure discrète mais très sûre la possibilité de revenir plus globalement sur sa trajectoire et ses convictions.

J'ai écrit l'introduction, où j'explore (entre autres choses) quatre univers disjoints et fonctionnant en silo : une certaine sociologie fonctionnaliste américaine ayant pratiqué une forme d'histoire disciplinaire à la fin des années 1960 / début des années 1970 (Terry Clark, Edward Tiryakian) et ses émules (Martin Bulmer) ou contempteurs (Lee Harvey) britanniques ; un ensemble d'historiens des sciences (de laboratoire) anglo-américains (citons Jack Morrell, Gerald Geison, John Servos et Kathryn Olseko) ayant développé en interaction dans les années 1970-1990 le thème plus spécifique des « research schools », qui leur semblait l'unité fonctionnelle à travers laquelle on pouvait étudier l'affirmation des sciences de laboratoire (et dans une moindre mesure des sciences de terrain comme l'écologie ou la géologie) au XIXe et au début du XXe siècle ; deux historiens de la linguistique ayant surtout exploré la valeur de démarcation de la catégorie d'« école de pensée » (Olga Amsterdamska, Christian Puech) ; enfin un certain nombre de sociologues américains et français (Andrew Abbott, Howard Becker, Jean-Louis Fabiani, etc.) ayant abordé cette catégorie d'« école » avec des sentiments ambivalents.  Comme il est aisé de le constater, il n'est pas vraiment question d'histoire de la géographie... L'une des conclusions les plus marquantes à mes yeux serait qu'en histoire des sciences (humaines et sociales) aujourd'hui, travailler sérieusement sur des « écoles » revient le plus souvent à examiner des opérations d'étiquetage (en négatif comme en positif). L'alternative possible serait de s'en tenir à la signification littérale du terme et d'examiner les processus de transmission et de reproduction mis en œuvre par des universitaires ou chercheurs. Ou encore de considérer des « schools of activity » en suivant la piste proposée par Samuel Gilmore, qui met en exergue le « faire avec » ou le « faire ensemble », plutôt que l'idée d'un groupe réuni autour d'une doctrine homogène.

Me reste à signaler pour finir un bel article en varia de Laurent Dedryvère sur le parcours de Walther Heissig dans les années 1930 et les années 1940-45 : avant de devenir un spécialiste mondialement reconnu des études mongoles, W. Heissig a eu une jeunesse (tristement banale à l'époque) d'engagements national-socialistes, que l'auteur retrace minutieusement, en montrant la souplesse et l'opportunisme de ses choix politico-académiques successifs. Il aurait d'ailleurs pu devenir l'un des tenants de la Geopolitik haushoférienne, même s'il a choisi après guerre une ligne beaucoup plus érudite et discrète. On trouvera également un stimulant panorama des recompositions des sciences sociales dans l'espace post-yougoslave, proposé par Anne Madelain et Agustín Cosovschi.

 

Argumentaire du dossier

Parler d'« école » à propos de collectifs savants est très commun, mais fait rarement l’objet d’enquêtes historiques. L’objectif de ce numéro est de prendre au sérieux son usage par les savants, non seulement comme étiquette commode ou à charge, mais aussi comme révélateur de la fabrique des sciences humaines et sociales, en particulier depuis qu’elles sont devenues des disciplines (fin xixe – début xxe siècles). Qui dit « école » dit « maître(s) » et « élève(s) », des modalités de transmission et d’élaboration collective, mais aussi de subversion plus ou moins avouée. La catégorie peut renvoyer à des styles et des pratiques scientifiques (sous la formule controversée des « écoles de pensée »), à des conditions de production localisées, à des modes de fonctionnement de la recherche et de l’enseignement. Bien souvent, on parle d’« écoles » en sciences humaines et sociales pour insister sur la construction, à un moment donné, d’une tradition, sinon d’une orthodoxie. À travers des cas variés dans le temps et l’espace, et d’ampleur inégale, ce volume entend contribuer à renouveler le travail historiographique sur cette catégorie d’analyse.

 

Sommaire

 

Les Écoles en sciences de l’homme : usages indigènes et catégories analytiques (introduction)

Olivier Orain

Les chemins de l’école (1860-1914). Usages du label d’école à propos de la géographie française

Marie-Claire Robic

Jeux d’écoles hypnotiques : Paris-Nancy fin de siècle

Jacqueline Carroy

Positivisme(s), écoles et mouvances

Annie Petit

L’impossible reproduction d’un collectif savant. Faire école en économie industrielle en France (1975-1991)

Jean-Baptiste Devaux

L’école en sociologie : catégorie, objet, étiquette

Monique Hirschhorn

Réfléchir depuis Chicago : le regard de Jean-Michel Chapoulie sur une tradition qui n’a pas fait école

Wolf Feuerhahn et Olivier Orain

 

Document (hors dossier)

Norbert Elias, Sur l’émergence des sciences modernes de la nature. Plan pour un projet d’habilitation [traduction par Agathe Orain]

Norbert Elias et les études sur la Renaissance à Heidelberg (années 1920) [traduction par Wolf Feuerhahn]

Reinhard Blomert

 

Varia

De l’engagement national-socialiste à l’érudition philologique. Walther Heissig et les débuts des études mongoles en Allemagne

Laurent Dedryvère

 

Débats, chantiers et livres

L’espace post-yougoslave : un laboratoire des sciences humaines et sociales?

Anne Madelain et Agustín Cosovschi

 

• Han F. Vermeulen, Before Boas. The Genesis of Ethnography and Ethnology in the German Enlightenment, Lincoln/Londres, University of Nebraska Press, 2015. (Silvia Sebastiani)

• Annie Petit, Le système d’Auguste Comte. De la science à la religion par la philosophie, Paris, Vrin, 2016. (Anne-Marie Drouin-Hans)

• Jacqueline Léon, Histoire de l’automatisation des sciences du langage, Lyon, ENS Éditions, 2015. (Emanuel Bertrand)

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Faire science, n° 31 de la RHSH

Le trente-et-unième volume de la Revue d'histoire des sciences humaines vient de paraître. Le dossier "Faire science" a été proposé par un ensemble de jeunes chercheurs, pour la plupart sociologues ou historiens des sciences. J'ai eu l'occasion d'assister au séminaire préparatoire que Yann Renisio et Camila Orozco-Espinel ont organisé en 2015-2016, qui portait de belles promesses. Faute d'avoir le temps de produire un texte original, j'ai dû renoncer à leur livrer un texte concernant la géographie. On trouvera l'argumentaire du volume ci-dessous (en un certain sens ma seule contribution écrite et visible au volume, j'exclus les avis rédigés sur les articles à divers stades de leur élaboration). Hors dossier, le document proposé et présenté par Nicolas Ginsburger propose de large extraits de comptes rendus de réunions tenues en janvier et mars 1943 au ministère de l'Education nationale, en présence d'Abel Bonnard. Ils indiquent comment s'est négociée la création d'un cursus spécifique de géographie (licence et agrégation masculine). Cela constitue un ensemble saisissant.

 

Présentation du dossier

L'histoire des disciplines académiques est loin d’être un fleuve tranquille. Dans leur recherche de reconnaissance et de financements, ou leur volonté de refondation, leurs praticiens sont amenés à redéfinir fréquemment ce qui légitime leur geste et la (re)production du corps. Un incessant travail de redéfinition en découle, toujours situé en un lieu et un temps donnés, qui consolide ou déplace les enjeux manifestes de la scientificité – cette justification névralgique. Pour interpréter de telles opérations, les propriétés des agents, la morphologie institutionnelle et la matérialité des pratiques sont des clés de lecture essentielles. Les enquêtes réunies dans ce dossier embrassent différents champs des sciences humaines et sociales (économie, sociologie, préhistoire, critique littéraire) sur une période allant des années 1920 aux années 1970, principalement en France et aux États-Unis. Elles soulignent le poids des enjeux politiques et stratégiques et l’importance des relations avec les autres sciences dès lors que l’on veut comprendre comment les sciences humaines et sociales affirment leur scientificité.

Sommaire

 

 

 

La science comme moteur de légitimité au xxe siècle
Yann Renisio et Camila Orozco Espinel

Faire théorie pour faire science ? Modèles scientifiques et production théorique dans les études littéraires en France (1960-1972)
Lucile Dumont

Faire science. Le « durcissement » des sciences sociales par la National Science Foundation (États-Unis, 1945-1957)
Yann Renisio
Homogénéiser la profession pour faire science ? L’économie aux États-Unis après
la Seconde Guerre
mondiale
Camila Orozco Espinel
Edgard Milhaud, un économiste au Bureau international du travail. Faire science en économie sociale, ou la quête d’autonomie d’un savant
Marine Dhermy-Mairal
L’innovation méthodologique, entre bifurcation personnelle et formation des disciplines. Les entrées en archéologie de Georges Laplace et de Jean-Claude Gardin
Sébastien Plutniak

 

 

Document

Discussions d’experts sur la licence et l’agrégation de géographie (janvier-février 1943)

Historiens et géographes au scalpel de Vichy

Nicolas Ginsburger

Varia

Des prémices d’une anthropologie des pratiques mathématiques à la constitution d’un nouveau champ disciplinaire : l’ethnomathématique

Eric Vandendriessche et Céline Petit

Débats, chantiers et livres

* Revisiter Freud. Pour une histoire de l’histoire de la psychanalyse

Réflexions à propos de l’historiographie de la psychanalyse francophone : l’exemple des rêves

Jacqueline Carroy

Qui peut faire l’histoire de la psychanalyse en France, et de quelle histoire s’agit-il ?

Annick Ohayon

 

* Stefan Czarnowski, Listy do Henri Huberta i Marcela Maussa (1905-1937) / Lettres à Henri Hubert et à Marcel Mauss (1905-1937) (Rafael Faraco Benthien)

* Alain Messaoudi, Les arabisants et la France coloniale. Savants, conseillers et médiateurs (1780-1930) (Kmar Bendana)

* Clémence Cardon-Quint, Des lettres au français. Une discipline à l’heure de la démocratisation (1945-1981) (Lucile Dumont)

Théodule Ribot, Revue philosophique de la France et de l’étranger (Stéphan Soulié)

 

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Contextualiser : une pratique transdisciplinaire ?, n° 30 de la RHSH

Le trentième volume de la Revue d'histoire des sciences humaines est arrivé chez notre éditeur. Il sort officiellement le 13 avril prochain.  Le volume reprend et retravaille les résultats de journées d'étude organisées au Centre Koyré les 4-5 mars 2014 par Wolf Feuerhahn, Rafael Mandressi et Antonella Romano, sous le titre initial « Qu'est-ce qu'un contexte ?  Un débat transdisciplinaire sur une pratique intellectuelle et ses enjeux ». Le sommaire détaillé est disponible ci-dessous. Nous avons pensé qu'il était utile de proposer en regard une discussion avec Marie-Claire Robic, Jean-Marc Besse et Pascal Clerc sur le "spatial turn", qui à plusieurs égards peut aussi se lire comme une affirmation contextualiste. On trouvera également dans ce volume un article en varia sur La Nouvelle Alliance d'Ilya Prigogine et Isabelle Stengers, un compte rendu de Fabrice Grognet à propos d'une demi-jounée de réflexion à l'occasion de la réouverture d'un Musée de l'homme, et des discussions autour de quelques livres plus ou moins récents. Le tout forme un ensemble très riche dont nous espérons qu'il suscitera de l'intérêt.

 

Présentation du dossier

La mise en « contexte » est souvent tenue pour une pratique commune aux sciences humaines et sociales. Prendre acte de l'inscription des faits étudiés dans un temps et dans un lieu circonstanciés apparaît incontournable pour des sciences censées rendre compte de la singularité de leurs objets. Mais cette référence au contexte est-elle vraiment fédératrice ? Revenant sur l’émergence, la dissémination mais aussi le rejet du terme « contexte » et des pratiques qui lui furent associées dans diverses disciplines, le présent volume fait apparaître un paysage plus complexe qu’attendu. Le « contexte » révèle des tensions existant entre les différentes sciences humaines et sociales comme au sein de chacune d’elles. Des défenseurs de l’autonomie du texte (juridique, philosophique…) y voient une pratique relativiste. D’autres dénoncent, au contraire, un usage paresseux qui en ferait un simple décor. Certains spécialistes de l’histoire environnementale préfèrent la notion d’Anthropocène afin de mettre en relief l’empreinte humaine sur la terre à une échelle moins locale. Par-delà leur variété, les études de cas proposées ici montrent que l’historien des sciences ne peut objectiver les pratiques de mise en « contexte » sans s’interroger sur les siennes propres.

 

Sommaire

 

Les sciences humaines et sociales : des disciplines du contexte ?

Wolf Feuerhahn

 

Pourquoi parler d’une histoire contextuelle du droit ?

Jean-Louis Halpérin

 

L’histoire de la philosophie appartient-elle au champ des sciences humaines et sociales ?

Catherine König-Pralong

 

Écrire l’histoire de la psychanalyse : le problème du contexte

Andreas Mayer

 

Une atmosphère très particulière. La sensibilité au contexte dans la pratique de la géomancie en Inde du Nord

Caterina Guenzi

 

L’environnement global, défi à la contextualisation ?

Hélène Guillemot

 

Document

Note sur le développement des disciplines ethnologiques en France

Marcel Griaule

Refonder l’ethnologie française sous l’Occupation

Christine Laurière

 

Varia

Apologie de la thermodynamique ou collaboration entre un physicien et une philosophe ? La Nouvelle Alliance d’I. Prigogine et I. Stengers (1979)

Emanuel Bertrand

 

Débats, chantiers et livres

* Qu’est-ce que le spatial turn ?

Table ronde avec Jean-Marc Besse, Pascal Clerc, Marie-Claire Robic, organisée par Wolf Feuerhahn et Olivier Orain

 

* De l’oxymore d’autrefois au palimpseste d’aujourd’hui : vie, mort et résurrection du musée de l’Homme

Fabrice Grognet

 

* Une sociologie historique de (toute ?) la sociologie française depuis 1800

Sébastien Mosbah-Natanson

Sociologie historique et épistémologie sociogénétique de la sociologie. Johan Heilbron, French Sociology

Marc Joly

Pour une sociologie historique et réflexive des sciences humaines et sociales

Johan Heilbron

 

* Tiago Pires Marques, Crime and the Fascist State, 1850-1940 (Jean-Christophe Coffin)

* La sociologie de René Worms (1869-1926), Les Études sociales, no 161-162, coordonné par Frédéric Audren et Massimo Borlandi (Annie Petit)

La sociologie de René Worms (1869-1926), Les Études sociales, no 161-162, coordonné par Frédéric Audren et Massimo Borlandi (Marine Dhermy-Mairal)

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Les Sciences de l'homme en manuels, n° 29 de la RHSH

Le nouveau numéro de la Revue d'histoire des sciences humaines est sorti il y a déjà quelques semaines. Après un numéro de relance (celui sur les "années 68") et deux dossiers qui attendaient depuis un certain temps, c'est le premier volume dont l'élaboration s'est faite après la relance de la revue. Notre collègue Anne-Sophie Chambost, déjà auteure de travaux sur les manuels de droit, a voulu élargir la focale en réalisant un volume à spectre large sur les manuels de sciences humaines. Le sommaire est tributaire d'un appel à communications lancé dans plusieurs communautés scientifiques. Comme d'habitude, j'ai reproduit ci-dessous les principaux seuils éditoriaux.

 

Présentation du dossier

 

Le manuel d'enseignement supérieur est un objet peu estimé, qui n'a pas suscité la même attention que ses équivalents destinés à des publics scolaires. Tenu pour une synthèse, voire une vulgarisation, de connaissances élaborées ailleurs, il n’intéresse guère les historiens des sciences ou de l’enseignement. L’ambition de ce dossier est de contribuer par une historicisation rigoureuse à indiquer toute la complexité et le caractère évolutif de ces objets de savoir et de montrer combien leur production a pu donner lieu à des investissements stratégiques, qu’ils soient le fait d’individus isolés, de collectifs dévoués à une cause ou d’un État. À travers un large spectre de discipline (droit, psychiatrie, langues étrangères, géographie, économie, etc.) et une diversité de situations nationales (France, États-Unis, ex-URSS, Allemagne), il s’agit de faire varier les contextes, les époques et les modalités, afin de dépasser une représentation figée et trop dépendante des formes actuelles de cette production. Les études réunies ici examinent la production, la diffusion, la réception et l’usage de manuels de l’enseignement supérieur, considérés comme une forme spéci- fique de construction et de diffusion des savoirs. Ce faisant, elles éclairent de manière différente la façon dont les sciences humaines sont codifiées, données à lire et à comprendre, à des moments souvent stratégiques de leur développement. Le dossier entend par là convaincre les historiens des savoirs et des institutions académiques de l’importance d’un genre éditorial dont l’intérêt comme archive n’est pas encore pleinement acquitté ou exploré.

 

Sommaire

 

Introduction

Anne-Sophie Chambost


Naissance et mutations d'un marché éditorial : les manuels du supérieur

Jean-Yves Mollier
 

Conception et production des manuels universitaires en Union soviétique. Évolution générale et exemple de l'enseignement du français (1946-1985)

Nataliya Yatsenko


Une introduction polyphonique à l'étude du droit. En-quête de rupture dans l'enseignement juridique

Albane Geslin


Ce qu'un manuel d’économie hétérodoxe peut être. The Worldly Philosophers de Robert Heilbroner

Cyrille Ferraton et Ludovic Frobert


La possibilité d’une géographie humaine (1961-2002). Autour du Précis de géographie humaine de Max Derruau

Michel Lompech et Éric Bordessoule


La formation du regard clinique. L’essor du manuel et l’écriture de cas dans la psychiatrie germanophone (1875-1900)

Yvonne Wübben

 

Document

Quatre dossiers médicaux pour six mois d’internement : les étapes du rapatriement de l’ouvrier Alessandro T. d’Érythrée en Italie

Les dossiers d’un patient psychiatrique en Érythrée (1939) : l’hôpital colonial, le navire-hôpital et deux hôpitaux psychiatriques métropolitains
Marianna Scarfone


Varia

Le quart féminin des géographes : dynamiques et limites de la féminisation dans la géographie universitaire française et internationale (1928-1938)

Nicolas Ginsburger


Raccourci analogique et reconstruction microhistorique. Les origines du laboratoire de psychologie expérimentale de Genève en 1892

Marc Ratcliff

 

Débats, chantiers et livres

* La Révolution : une affaire d’idées ? Une histoire intellectuelle de la Révolution française. Jonathan Israel et les déplacements des radicalités politiques

Jean-Luc Chappey et Blanca Missé
Response to Chappey and Missé

Jonathan Israel
*Pour l’historicisme. Avec et à partir de Christian Topalov

Wolf Feuerhahn
* Nathalie Richard, Hippolyte Taine. Histoire, psychologie, littérature (Céline Trautmann-Waller)
* Pascal Clerc et Marie-Claire Robic (dir.), Des géographes hors-les-murs ? Itinéraires dans un Monde en mouvement (1900-1940) (Dylan Simon)
* Dominique Perrin, De Louis Poirier à Julien Gracq (Jean-Louis Tissier)
* Les politiques publiques mises en œuvre au nom de la biodiversité sont-elles irrémédiablement néolibérales ? (Emanuel Bertrand)

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Les sciences du psychisme et l'animal, n°28 de la RHSH

Le nouveau numéro de la Revue d'histoire des sciences humaines (n° 28) est sorti. Le dossier porte donc sur « Les sciences du psychisme et l'animal » et réunit six textes, outre l'introduction d'Aude Fauvel. Trois articles en varia également, parmi lesquels un très beau travail de Dylan Simon sur les «complexes pathogènes» de Max Sorre, et une étude au long cours de Serge Reubi sur les particularités sociales de l'ethnographie suisse du « premier XXe siècle ». À noter egalement un examen méticuleux par Arnauld Chandivert de la position de Daniel Faucher entre résistance et notabilité universitaire sous le gouvernement de Vichy (entre autres figures traitées dans son article). Je reproduis ci-dessous l'argumentaire du dossier et le sommaire du volume. Si vous êtes intéressé-e-s par ce numéro (et les autres), n'hésitez pas à vous abonner à la revue !

 

Présentation du dossier (Aude Fauvel)
Psychiatres testant des produits toxiques sur des chiens, psychologues bombardant des chèvres « psychonévrosées », psychothérapeutes arrachant des bébés singes à leurs mères pour les observer…, au titre de l'histoire animale les disciplines psys semblent se situer sur une ligne classique : celle d'une vision utilitaire des animaux, exploités et sacrifiés sur l’autel de la science. Selon certains chercheurs, si les savoirs psys ont, depuis Darwin, souligné les similitudes entre l’esprit humain et animal, ils n’auraient ainsi pourtant pas aidé à réduire l’écart entre l’un et l’autre. Dans l’histoire des sciences du psychisme, comme ailleurs, étudier les animaux ce serait être essentiellement confronté au récit de leurs souffrances.
Ce numéro porte un regard différent sur ce lien entre animaux et sciences du psychisme et montre que les secondes ne se sont pas seulement construites contre les bêtes mais aussi en collaboration avec elles, dans des rapports d’influences mutuelles, au dedans et au dehors des laboratoires. À côté des cobayes d’expériences, les psys ont fait surgir d’autres figures de l’animalité, percevant les animaux comme des partenaires, des patients, et même, comme des thérapeutes. En revisitant l’histoire psy sous cet angle, l’objectif n’est pas seulement de contribuer au renouvellement du regard sur l’histoire animale, il est aussi de participer à la réflexion sur la façon dont penser avec les animaux peut aider à penser les sciences de l’homme.

 

Sommaire


Introduction. Des rats, des chiens et des psys. Repenser l'interaction humain/animal dans l'histoire des sciences du psychisme (XIXe-XXIe siècles)

Aude Fauvel


Animaux à aimer, animaux à tuer. Animalité et sentiments zoophiles en France au XIXe siècle

Damien Baldin

 

« Le chien naît misanthrope ». Animaux fous et fous des animaux dans la psychiatrie française du XIXe siècle

Aude Fauvel


Débats autour de la psychologie animale. La rencontre Pierre Hachet-Souplet – Édouard Claparède

Élisabeth Chapuis


Des relations déraisonnables ? Marie Bonaparte, son chien Topsy, la biologie et la psychanalyse

Rémy Amouroux


Quand l'éthologie revisite la psychanalyse. La question de l'attachement entre Grande-Bretagne et France

Wolf Feuerhahn


Soigner par le contact animalier. Aux origines de la recherche sur les interactions humains/animaux à but thérapeutique

Jérôme Michalon

Document
Lettre de Joseph Delboeuf à William James du 2 novembre 1886
Comment un savant devient « guérisseur ». D'après une lettre inédite de Joseph Delboeuf à William James

Thibaud Trochu

Varia
Une histoire à part ? L'étude des traditions mineures en histoire des sciences humaines à travers l'ethnographie suisse du premier XXe siècle

Serge Reubi
 

Sciences sociales, Résistance et « mystique provinciale » à Toulouse sous le gouvernement de Vichy. Complexité et ambivalence des engagements (1930-1950)

Arnauld Chandivert


Quand un concept écologique fait date. L’invention des « complexes pathogènes » en géographie

Dylan Simon



Notes de lecture
* Anthony Andurand, Le mythe grec allemand. Histoire d’une affinité élective (Sandrine Maufroy)
* Claude Blanckaert (coord.), La Vénus hottentote entre Barnum et Muséum (Jean-Luc Chappey)
* Daniel Baric, Langue allemande, identité croate. Au fondement d’un particularisme culturel (Anne-Marie Thiesse)
* L’enseignement secondaire en France et l’articulation complexe entre disciplines littéraires et scientifiques (1945-1985) (Emanuel Bertrand)

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L'anthropologie et les matérialités de la race, à paraître

Le prochain numéro de la Revue d'histoire des sciences humaines (n° 27), à paraître en juin 2015, portera sur "L'anthropologie physique et les matérialités de la race". Il explorera la facétieuse (?) passion des savants européens de l'époque coloniale pour les crânes, leur signification raciale et leur inscription matérielle. L'envers, la face sinistre de cette histoire, ce furent ces pillages de sépultures et d'objets rituels, cautionnés par un sentiment de supériorité insondable et rendus possibles par une domination politique sans failles.

 

Présentation du dossier (Ricardo Roque)

Ce dossier explore l’importance de la vie matérielle dans la construction de la race comme artefact scientifique produit par l’anthropologie physique. Il rassemble un éventail d’études historiques relatives aux sciences raciales au temps de leur âge d’or (XIXe - XXe siècles). Elles analysent les nombreux truchements par lesquels la matérialité amène — ou non — à la vie les « races humaines ». Les théories, épistémologies, et visions du monde raciales sont ici approchées à travers leurs manifestations dans les corps et squelettes humains, l’instrumentation anthropométrique, les archives, les espaces muséologiques, et les rencontres sur le terrain. Ce dossier adopte la notion de « matérialités de la race » comme outil heuristique, sensibilité méthodologique et objet empirique, englobant trois grandes dimensions de la vie matérielle dans la pensée raciale : les artefacts, les corps humains, et les lieux. Par conséquent, ce dossier met au défi les historiens de l’anthropologie de combiner les pratiques de l’histoire intellectuelle et les histoires matérielles de la race.

 

Sommaire

 

Introduction. L'anthropologie physique et les matérialités de la race

Ricardo Roque

 

Confronting “hybrids” in Oceania: field experience, materiality, and the science of race in France

Bronwen Douglas

 

(Re)connaître l’homme primitif : savoir anthropologique, préconceptions et situations locales à Sulawesi, 1892-1906

Serge Reubi

 

Faces from the Netherlands Indies. Plaster casts and the making of race in the early twentieth century

Fenneke Sysling

 

À propos de cent trente-cinq crânes de Papous : A. B. Meyer et la controverse autour de la craniologie

Hilary Howes

 

‘A little history attached to them’ : authenticité et crédibilité du témoignage matériel dans les collections anthropologiques, 1850-1900

Ricardo Roque

 

Document

Sur les soutenances de thèse de C. Lévi-Strauss et P. Métais. Lettre de M. Jean-Brunhes Delamarre à A.-G. Haudricourt (20/06/1948)

 

À propos de la lettre de M. Jean-Brunhes Delamarre à A.-G. Haudricourt du 20/06/1948

Jean-François Bert

 

Varia

Pour une théorie évolutive humaine. Armand de Quatrefages, la formation des races et le darwinisme au Muséum national d’histoire naturelle

Claude Blanckaert

 

Comptes rendus

* Jean-Luc Chappey, Carole Christen et Igor Moullier (sous la direction de), Joseph-Marie de Gérando (1772-1842). Connaître et réformer la société (Collection Carnot), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2014, 341 p.

par Catherine König-Pralong

* Pierre-Henri Castel, La fin des coupables. Obsessions et contrainte intérieure de la psychanalyse aux neurosciences, suivi de Le cas Paramord, Paris, Ithaque, coll. « Philosophie, anthropologie, psychologie », 2012.

par Florent Serina

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Les années 68 des sciences humaines et sociales

Après des années à chercher le bon endroit pour publier les actes du colloque de 2008, après trois ans à trouver aussi un repreneur pour la Revue d'histoire des sciences humaines, l'une et l'autre quête ont trouvé leur accomplissement en un numéro de la renaissance (pour la revue). J'essaierai de faire un autre post de blog pour raconter cette histoire.

 

 

L'étude de Mai 68 a été profondément renouvelée depuis 20 ans. Mais en matière d’histoire des sciences humaines, on en est resté à des évidences : pour certains, il ne fait pas de doute que la physionomie du champ a été bouleversée, pour d’autres ce n’est qu’écume à la surface d’un océan. Les contributions réunies dans ce volume prennent au sérieux la question de l’incidence des « années 68 » sur les parcours des individus, des groupes et des disciplines, participant de ce que l’on n’appelait pas encore les « SHS » (sciences humaines et sociales). La focale varie d’un article à l’autre. Elle est micro historique quand elle s’attache à des lieux, des revues, des institutions, saisis dans leur singularité. Elle adopte une échelle disciplinaire quand, dans le cas de la géographie, les « événements » allemands et français sont mis en parallèle. Le dossier se fait l’écho des intenses débats et remises en question qui ont alors eu lieu dans d’innombrables mondes sociaux ou professionnels, humeur à laquelle les scientifiques n’ont pas échappé. Il dépeint une époque passionnément attachée aux expériences collectives, éphémères ou pérennes, à rebours d’un cliché trop rabâché sur l’individualisme que notre époque aurait hérité de 68. Au détour d’analyses générales, c’est toute la force du verbe et l’inventivité de l’image que l’on a tenté de convoquer, dont les « années 68 » ont été particulièrement prodigues.


SOMMAIRE

Éditorial

Wolf Feuerhahn et Olivier Orain
 

Dossier : Les « années 68 » des sciences humaines et sociales
 

Introduction
Olivier Orain

Excellence sociologique et « vocation d'hétérodoxie » : Mai 68 et la rupture Aron-Bourdieu
Marc Joly

Mai 68 et la sociologie. Une reconfiguration institutionnelle et théorique
Patricia Vannier

Critique et discipline. Les convergences entre la critique radicale et la sociologie des sciences à partir de Mai 68
Renaud Debailly

Mai 68 et la sociologie des sciences. Les revues sur les sciences et la société, symptôme des restructurations disciplinaires
Mathieu Quet

La psychosociologie des groupes aux sources de Mai 68 ?
Annick Ohayon

Les deux 68 de la psychiatrie
Jean-Christophe Coffin

La revue Actes : le droit saisi par le regard critique dans le sillage de 68
Liora Israël

Architecture et sociologie : matériau pour l’analyse d’un croisement disciplinaire
Olivier Chadoin et Jean-Louis Violeau

Les « enfants terribles » de la Landschaft. Revendications, contestations et révoltes dans la géographie universitaire ouest-allemande (Bonn, Berlin-Ouest, Kiel) en 1968-1969
Nicolas Ginsburger

Mai 68 et ses suites en géographie française
Olivier Orain

Une fertilisation paradoxale. Bilan historiographique de l’incidence de Mai 68 sur les transformations des sciences de l’homme et de la société dans les années 1960-1970
Olivier Orain

Document : Propositions destructives

À propos de « Propositions destructives »
Olivier Orain

Varia


Convergences, transferts et intégrations entre sciences du langage, sciences et ingénierie en temps de guerre et de guerre froide (1941-1966)

Jacqueline Léon

 

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