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Philippe Pinchemel

    Je viens d'apprendre le décès, hier après-midi, de Philippe Pinchemel. C'est une nouvelle qui me procure une énorme tristesse. Indépendamment de la chance que j'ai eu de l'avoir comme enseignant, j'ai pu au cours de ces quinze dernières années mesurer à quel point il avait joué un rôle majeur dans le décloisonnement de la géographie française. Profondément attaché à l'unité de la discipline et à la réalisation d'une synthèse de ses diverses tendances, Philippe Pinchemel a aussi été l'homme qui a fait traduire Géographie des marchés et des commerces de détail de Brian Berry (1971) et L'Analyse spatiale en géographie humaine de Peter Haggett (1973). A une époque où la géographie française vivait un peu trop repliée sur ses bases linguistiques et ses automatismes cognitifs, ce furent des gestes décisifs pour diffuser une autre géographie. S'il n'en a pas été l'instigateur, il a accompagné les débuts de L'Espace géographique (1971-1972), appelée à devenir la nouvelle revue de référence de la géographie française. Il a dirigé la thèse de Denise Pumain, Contribution à l'étude de la croissance urbaine dans le système urbain français (1980). Il a encouragé de nombreuses recherches novatrices, créé la seule et unique équipe dédiée à l'histoire et à l'épistémologie de la géographie (E.H.GO), publié ou fait publier un nombre considérable d'ouvrages de référence : l'anthologie Deux siècles de géographie française (avec Marie-Claire Robic et Jean-Louis Tissier), la traduction de Traces on the Rhodian Shore de Clarence Glacken, la réédition d'ouvrages tels L'homme et la terre d'Eric Dardel,  Peuples et nations des Balkans de Jacques Ancel ou Noirs et Blancs de Jacques Weulersse.
    Il a publié en 1988 avec son épouse Geneviève une oeuvre-somme, La Face de la terre (publiée chez Armand Colin), qui est l'une des pierres angulaires de la réflexion théorique française. Ils essaient d'y concilier un double programme pour la géographie : étude de l'humanisation de la terre (dans la droite ligne du programme écologique dessiné par P. Vidal de la Blache) à part égale avec un intérêt majeur pour l'organisation de l'espace produit par les sociétés (le programme spatialiste hérité de E. Ullman, W. Christaller et tant d'autres). La seule entreprise équivalente en français est celle élaborée par Roger Brunet dans Le Déchiffrement du monde (1989, rééd. 1999). La contribution théorique de Philippe Pinchemel à la réflexion sur l'espace des sociétés humaines, déjà esquissée dans des articles comme "De la géographie éclatée à une géographie recentrée" (1982), a beaucoup fait pour donner un soubassement global à l'analyse spatiale française. Sa réflexion sur la résilience des formes spatiales (semis de lieux, réseaux, trames d'occupation de l'espace) - qui se perpétuent par delà les systèmes socio-économiques qui les ont produites - est l'un de ses apports les plus intéressants à mon sens. Ses principaux articles ont été réunis en un volume Géographies. Une intelligence de la terre, publié dans l'excellente collection "Parcours et paroles" aux éditions Arguments.
    Philippe Pinchemel était un homme d'une curiosité insatiable. Il y a un peu moins de deux ans, il était présent au dernier colloque Géopoint, consacré à l'avenir de la discipline. Il n'avait rien perdu de son alacrité intellectuelle. Ces derniers temps, on le savait très malade. La camarde semble avoir accéléré son pas. Pour cet intellectuel fidèle à ses convictions catholiques, gageons que ce dernier rendez-vous soit celui d'un juste.

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émission de radio sur mai-68 et les sciences

Le vendredi 21 mars de 14 à 15h en direct dans La tête au carré - le magazine de vulgarisation scientifique de France Inter - je discuterai avec l'animateur Mathieu Vidard de "ce que mai-68 a fait aux sciences" (et aux scientifiques), suivant la jolie formule de mon collègue (et ami) Bertrand Müller (mais en l'élargissant un peu). L'interview proprement dite représente la moitié du temps de l'émission. Je la prépare activement, afin d'avoir des choses synthétiques à dire (et ne pas parler que de géographie !). J'aurais envie de dédier mon travail sur la question aux travaux précurseurs de Michael Pollak, admirable sociologue des sciences, fauché par le SIDA en 1992.
Pour le reste, ce blog retrouvera bientôt des couleurs (et de nouveaux textes), car je ne suis plus très loin d'en avoir fini avec ce qui m'astreint actuellement au silence...

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